Sexus extremus voluptas est: une tragédie?

Après être sortie de la chambre dans les années 80-90 pour devenir publique, la sexualité est devenue extrême. Des pratiques comme le BDSM, le fétichisme, le fist-fucking, autrefois résérvées à des groupes restreints et confidentiels se sont démocratisées. Sur Tiktok, des influenceuses vendent des sextoys aux aux proportions inimaginables, médicalement à la limite de la déraison.

Tardivement, j’ai cédé à la tendance et tenté l’expérience des jeux en solo avec quelques jouets aux dimensions monumentales et effrayantes compte tenu de mon petit gabarit. J’avoue que l’engouement fut de courte durée. L’objectif premier était de tester mes limites anatomiques: jusqu’où ça passe? Bien moins que je l’espérais et bien plus que je ne l’imaginais. Mais très vite l’excitation du challenge a cédé la place à une interrogation…

La recherche du plaisir maximum est une déclinaison de l’individualisme moderne. Pas étonnant donc que le sextoy principalement destiné aux jeux solitaires ait le vent en poupe. Le gode est un objet dont le but est de procurer une jouissance optimale. Mais en tant qu’artefact explicite du partenaire sexuel ne serait-il le prélude à une tragédie? L’autre que je chosifie et que j’objétise pour m’assouvir, dans une totale absence de sens relationnel. Tout ce qui importe, c’est la quantité de plaisir au détriment souvent de la qualité. Le but est le plaisir, non la relation ou l’échange. L’autre est objet, et même pis, une interface si on se réfère au monde du virtuel / numérique.

L’inconvénient du plaisir est qu’il s’use. Si telle sensation procure tel plaisir au bout d’un certain temps ce dernier s’atténue, il faut chercher une sensation plus intense. Une recherche qui aboutit à la nécessité de trouver toujours plus gros, plus grand, à enfoncer toujours plus profond. Cette tendance obsessionnelle, je la retrouve dans les critères et les tags de profil sur les applis de rencontre gay: « cherche teub XXL », ou bien  » TTBM only ( très très bien monté). Je ne cherche plus un partenaire mais un outil, un produit à consommer comme du porno trash, sans connexion émotionnelle , sans affects, sans éros, sans la beauté de la séduction et sans la profondeur du désir: 100% narcissique. 0% d’intérêt pour autrui. Le salaire de cette tragédie c’est une desintégration de notre capacité à rencontrer qui nous condamne à la solitude.